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29 Août 1959

29 Août

Cher Journal,

 

Cet été, j’ai passé 3 semaines chez Tante Lucy à Paris avec ma cousine Michelle.

Tante Lucy, c’est la sœur aînée de Maman. Elle a épousé un résistant Français basé à Londres pendant la guerre et elle est partie s’installer à Paris avec lui peu de temps après la Libération.

Michelle, elle, a 2 ans de plus que moi et elle connaît Paris sur le bout des doigts. Nous sommes beaucoup sorties avec ses amis. Elle m’a fait découvrir tous les endroits branchés.

J’ai trouvé les Français assez sympathiques même s’ils sont parfois un peu lourds, surtout lorsqu’il parlent de Rugby.

Pour la première fois de leur vie ils remportent seuls le Tournois des V Nations et 4 mois après, ils en sont encore fiers !

D’un autre côté, il faut avouer que cette année, notre équipe n’a pas été très brillante mais ça faisait quand même 2 années de suite que nous étions champions !

Je suis rentrée avant hier à Liverpool où, même si il fait beau, à cause de vent, l’air est plus frais qu’à Paris.

J’ai revu Rita aujourd’hui.  Nous avons passé l’après-midi ensemble et, à la surprise générale, j’ai été autorisée à aller au concert d’ouverture d’un nouveau club de Liverpool, le Casbah Coffee Club.

Depuis que je suis rentrée de France, j’ai l’impression que Papa a plus confiance en moi. Comme si ce voyage m’avait rendue plus mature à ses yeux.

Prévoyante et ne manquant pas d’optimisme, Rita avait acheté des places pendant les vacances et elle avait bien fait, car tous les billets mis en vente pour l’occasion étaient partis comme des petits pains.

Vers 19h30, nous avons donc retrouvé Max et Robert, le fils du docteur, qui est désormais le petit ami officiel de Rita.

Sur le chemin du club, elle n’a cessé de me demander si j’avais eu l’occasion de goûter à un de ces fameux « French Kiss » qui fascinent depuis toujours la jeunesse de notre pays.

Quand je lui ai avoué que oui, je m’étais laissé embrasser par un ami de Michelle la veille de mon départ, elle était toute excitée. Après ça, elle n’arrêtait pas de sauter au coup de Robert pour l’embrasser en me demandant si c’était bien comme ça qu’il fallait faire.

Nous avons tellement ri que lorsque nous sommes arrivés au Casbah, le concert avait déjà commencé et, tandis que nous nous attendions à découvrir le Stewart Quartet, un autre groupe de la ville dans lequel George joue en parallèle depuis quelques temps, nous fûmes ravis de voir sur scène les Quarry Men renforcés par Ken, guitariste du Quartet.

Le bruit court que le Stewart Quartet se serait disputé avant le concert et que le groupe de John les aurait remplacé à la dernière minute pour notre plus grand plaisir !

Même s’ils n’avaient visiblement toujours pas de batteur, ce fut un bon concert et je suis plutôt contente d’être rentrée à Liverpool.

 

A bientôt,

 

Eléonore  

 

PS : Pendant le concert, Rita m’a montré une fille assise près de la scène. Elle était visiblement plus âgée que nous. Elle m’a dit qu’elle s’appelait Cynthia et que les rumeurs disaient qu’elle était en couple avec John depuis un moment. C’est bizarre parce que, pendant le concert, j’avais plus l’impression qu’elle regardait Paul. Elle a beau être avec Robert maintenant, je crois que Rita est quand même un peu jalouse …

20 Décembre 1958

20 Déc

Cher journal,

Il fait très froid à Liverpool.

Il y a quelques jours, la température est descendue jusqu’à -16°C ! Le vent est glacial.

Pour mes 16 ans, Papa et Maman m’ont offert un poste de radio et nous passons beaucoup de temps dans ma chambre avec Rita, à écouter en cachette la musique des Coasters, de Big Bill Broonzy, de Jimmie Rodgers ou de Fat’s Domino.

A part la rumeur d’un enregistrement au studio de Percy Francis Phillips qui aurait eu lieu le 14 juillet dernier, les Quarry Men n’ont pas beaucoup fait parler d’eux depuis l’été.

En Août, nous avons appris que la femme que Rita avait vu se faire renverser était en fait la mère de John.

Pendant un temps, nous avons pensé qu’il avait arrêté la musique après cet événement et que le groupe n’existait plus.

Mais aujourd’hui, nous sommes certaines du contraire.

Le frère de George, s’est marié.

La sœur aînée d’un des amis de Maxwell, invitée à la réception, lui a assuré que les Quarry Men avaient donné un petit concert pour l’occasion.

Pour Rita, cette nouvelle veut dire que John va bien et que le groupe remontera bientôt sur scène.

Quand elle m’a dit ça, ses yeux pétillaient de joie et elle s’est mise à chanter In spite of all the danger à tue-tête dans la chambre. C’est une chanson que les Quarry Men ont composé eux même et qu’ils jouent souvent en concert.

Elle chante vraiment faux mais elle s’en moque. Parfois, je suis même sure qu’elle en rajoute. Nous avons beaucoup rit.

Avant qu’il ne fasse nuit, j’ai profité de sortir Martha pour raccompagner Rita sur une partie du chemin qui la ramène chez elle.

Nous avons repris la chanson sur tout le trajet en nous disant que cela nous réchauffait, mais nous n’avons pas trainé. Il fait quand même trop froid.

A bientôt,

Eléonore

PS : Il paraît que c’est Paul qui a écrit In spite of all the danger, je trouve que ça sonne bien.

15 Juillet 1958

15 Juil

Cher journal,

 

Nous sommes en vacances depuis quelques jours et l’été est beau cette année à Liverpool.

J’ai été acceptée dans la classe supérieure avec les félicitations de mes professeurs alors Papa est moins strict en ce moment.

Il y a quelques temps, Rita a appris que John vivait sur Menlove Avenue, pas très loin de chez nous.

Du coup, nous nous promenons régulièrement au hasard de cette rue dans l’espoir qu’elle le croise.

Aujourd’hui, lorsqu’elle a quitté la maison, elle a décidé de faire un petit détour pour repasser devant chez lui.

Quand est arrivée au niveau du 251 Menlove Avenue, la maison de John, elle a vu un homme et une femme en sortir.

Rita a toujours été curieuse mais là je reconnais qu’elle a fait fort.

Elle les a suivit en marchant lentement. Ils se sont séparés et la femme a traversé au moment où une Standard Vanguard arrivait assez rapidement.

Rita aurait voulu crier pour la prévenir mais c’était déjà trop tard, le choc avait eu lieu.

L’homme s’est agité, la femme semblait être morte.

Paniquée, Rita est alors revenue à la maison en courant.

Elle était en larmes.

Maman lui a servi un verre d’eau, nous nous sommes assises dans le salon et elle nous a tout raconté.

Elle semblait vraiment choquée alors Maman lui a proposé de rester dormir à la maison et elle a prévenu ses parents.

Nous espérons vraiment que cet événement ne touchera pas trop John parce qu’il est quand même le leader des Quarry Men et sans lui, ils ne sont pas prêts de remonter sur scène.

 

A bientôt,

 

Eléonore.

 

PS : Je me demande qui pouvait bien être cette femme …

13 Mars 1958

13 Mar

Cher journal,

 

Papa est reparti en voyage d’affaire. Nous sommes donc seules avec Maman depuis une semaine et je dois dire que, même s’il nous manque, nous nous en sortons bien toutes les deux.

En fin d’après-midi, peu de temps après être rentrée du Collège, Rita a fait irruption à la maison.

Lorsque j’ai entendu sa voix dans le salon, j’ai cru qu’elle venait me rapporter La Nuit des Rois de Shakespeare qu’elle m’avait emprunté pour un devoir.

Je me suis dépêchée de descendre et en me voyant, elle m’a sauté dans les bras.

Maman avait dit oui ! Elle venait d’accepter que j’aille voir les Quarry Men jouer ce soir au Morgue Skiffle Cellar.

Je l’ai remerciée et, suivies de Martha, qui ne comprenait pas notre agitation, nous sommes montée dans ma chambre. 

J’ai alors demandé à Rita comment elle s’était débrouillée pour que Maman me laisse passer la soirée du jeudi soir dans ce club improvisé installé dans un sous-sol.

En plus de n’avoir pas parlé du tout de ce détail, mais juste de la grande maison victorienne qui était dessus, elle avait présenté le concert comme une sorte de démonstration privée d’un groupe d’amis de Maxwell.

Tout cela n’avait pas l’air bien légal et je n’en menais pas large. J’ai tout de même demandé à Rita si nous ne risquions rien. Elle a répondu en riant :

« C’est juste de la musique ! »

J’aime l’insouciance de Rita.

Accompagnées par Max, comme toujours, nous sommes donc parties pour le domaine de Broadgreen afin d’assister à un nouveau concert des Quarry Men et de découvrir le Morgue Skiffle Cellar.

A 19h30, lorsque la musique a commencé nous étions au moins une centaine entassés dans cet espace clos avec en guise d’éclairage, un néon et une ampoule nue.

J’avais du mal à respirer et je ne me sentais pas très à l’aise.

Rita de son côté était comme un poisson dans l’eau et quand les Quarry Men sont montés sur scène, elle a tout de suite reconnu George, le garçon qu’elle avait vu avec John et Paul au fond du bus après leur concert du mois dernier.

Il avait donc rejoint le groupe, Rita avait vu juste.

Je trouvais qu’il jouait plutôt bien et même si je dû reconnaître à mon tour qu’il semblait jeune, sa timidité affichée lui donnait un certain charme.

De son côté, Paul était toujours aussi mignon et malgré l’atmosphère qui n’était pas très agréable, je ne regrette pas d’y avoir été.

Lorsque je suis rentrée, Maman m’attendait. Elle m’a demandée si les amis de Maxwell étaient bons musiciens.

Avec un grand sourire j’ai répondu que je trouvais qu’ils avaient du talent et je suis montée dans ma chambre.

 

A bientôt,

 

Eléonore.

 

PS : Peut-être qu’un jour ils feront un disque qui sait …

 

 

6 Février 1958

6 Fév

Cher journal,

Nous avons fêté le nouvel an à Londres chez des amis de Papa, Les Moonlights. Le dîner était délicieux et ils ont un fils de mon âge plutôt charmant qui s’appelle Jude.

Depuis que nous sommes rentrés à Liverpool, la vie est calme.

En Janvier, Les Quarry Men ont donné deux concerts. Un le 10 au New Clubmoor Hall et un autre le 24 au Cavern Club.

Je n’ai pu aller à aucun des deux, mais, grâce à Rita, je n’ai pas raté grand-chose. Des set-lists, aux moindres mots que John ou Paul avaient adressés au public, elle me racontait tous les détails des shows dès le lendemain et finalement, c’est presque comme si j’y avais été.

Ce soir, les Quarry Men ont encore joué au Wilson Hall et évidemment, je suis restée à la maison.

Comme d’habitude, accompagnée de Maxwell, Rita n’a pas eu de mal à convaincre ses parents de la laisser s’y rendre.

Je ne pensais pas avoir de ses nouvelles avant demain matin et pourtant, il y a un peu plus d’une demie heure, j’ai entendu comme de petits cailloux taper sur ma fenêtre.

Rita était en bas !

Je suis descendue sans faire de bruit et j’ai réussi à lui parler quelques minutes par la fenêtre de la cuisine.

Elle est passé très vite sur le concert et m’a surtout raconté son retour jusqu’ici.

Quand Max et elle sont montés dans le bus, ils se sont rendus compte que Paul et John étaient dans le fond. Apparemment, il y avait un autre garçon avec eux. Il semblait connaître Paul mais il paraissait beaucoup plus jeune que John.

Tout ce dont elle est certaine c’est qu’il s’appelle George et qu’il se débrouille plutôt pas mal à la guitare.

Il paraît qu’il a joué Raunchy de Bill Justis à la perfection !

Même si Rita trouve que ce George a l’air encore plus timide que moi, elle est persuadée qu’il rejoindra bientôt les Quarry Men.

Elle n’a pas arrêté de me dire que pendant tout le trajet, elle avait l’impression d’assister à quelque chose d’important, comme si grâce à eux, rien ne serait jamais plus comme avant.

Je ne comprends pas trop ce qu’elle veut dire par là, mais j’aurais vraiment aimé être dans ce bus avec eux. 

J’espère que le prochain concert ne me passera pas une fois de plus sous le nez.

A bientôt,

Eléonore.

PS : Quand j’écoute Rita me parler des Quarry Men, c’est comme s’ils allaient changer le monde. Son enthousiasme démesuré m’amuse.

Personnellement, je ne vois vraiment pas ce qu’on peut révolutionner à Liverpool … à part des bateaux peut-être !

7 Décembre 1957

7 Déc


Cher journal,

Il s’est passé un mois depuis mon mensonge et ma punition est désormais levée.

Il y a 5 jours, j’ai enfin eu 15 ans.

Papa m’a offert le tout dernier appareil photo de la marque Corfield, un Periflex 3.

Grand amateur de photographie, il a réussi au fil des années à me transmettre cette passion, de la même manière que Maman m’a donné le goût de la musique et  m’a appris le piano.

Quand j’ai sorti l’étui en cuir du paquet cadeau, j’ai sauté de joie.

Toute la journée, je n’ai cessé de prendre des clichés si bien que je suis arrivée au bout de la pellicule en un rien de temps.

Papa n’a rien dit mais j’ai bien senti qu’à l’avenir, je devrais me montrer plus sélective.

Ce fût en tout cas une belle journée où j’ai eu le droit d’inviter Rita à partager le gâteau avec nous.

Elle m’a apporté le 45T d’Eddie Cochran, Twenty Flight Rock, le titre que Paul jouait lorsque nous l’avions vu pour la première fois.

C’était en fait Max qui l’avait déniché pour moi, chez NEMS, un magasin de musique de Whitechapel, près du Cavern Club.

Papa n’aime pas beaucoup ce style de musique, il faut dire que le rock a mauvaise réputation et c’est à peine si nous avons le droit d’en écouter. J’ai quand même demandé timidement à ce qu’on le passe et il a accepté.

Une fois que nous l’avions mis sur le tourne-disque, nous ne cessions de le relancer, si bien que la mélodie résonne encore dans ma tête aujourd’hui.

Ce soir, les Quarry Men jouent à nouveau au Wilson Hall, mais cette fois, j’ai décidé de ne pas y aller.

Pour Papa, à 15 ans, une jeune fille n’a rien à faire dehors les soirs de semaine.

Je pense qu’il dit ça pour mon bien et de toutes façons, j’ai trop peur de me refaire pincer.

A bientôt,

Eléonore.

PS : Rita a promis de tout me raconter …

7 Novembre 1957

7 Nov

Cher journal,

L’automne est désormais bien installé à Liverpool et il pleut souvent.

Ce matin, lorsque j’ai retrouvé Rita au lycée, elle m’a annoncé que John et Paul seraient le soir même au Wilson Hall.

J’ai esquissé un sourire sans parvenir à cacher ma déception.

Nous sommes jeudi, et en pleine semaine, ce serait peine perdue de tenter de convaincre Papa de me laisser sortir. 

Pour Rita c’est plus simple, depuis qu’elle a eu 15 ans, ses parents sont plus laxistes et parfois, elle arrive à avoir la permission de minuit.

Je sens bien que moi, je devrais attendre la majorité  avant de pouvoir mettre un pied en ville le soir.

Mais pour Rita, il n’y a pas de problème sans solution.

Nous avions une journée pour monter un stratagème et selon elle c’était largement suffisant.

Je n’étais pas certaine que l’idée de désobéir, encore une fois, soit une bonne chose mais elle a tellement insisté que j’ai suivi.

J’ai demandé à aller dîner chez Rita afin de l’aider à réviser avec elle les cours d’histoire pour le devoir sur table de demain.

Papa et Maman m’ont toujours poussé à rendre service autour de moi et nous savions qu’ils accepteraient.

Quand nous sommes arrivées au Wilson Hall, un peu avant 20h, je me suis demandé si j’avais bien fait de mentir.

L’endroit n’était pas très bien fréquenté. Il y avait beaucoup de Teddy Boy, ces types en blouson en cuir assez bagarreurs et même si Maxwell était là je n’étais pas rassuré.

J’étais un peu stressée, mais ce fût un chouette concert.

Quand je suis rentrée Papa m’attendait avec mes cours d’histoire dans les mains. Il a tout de suite senti l’odeur de la cigarette sur mes vêtements et s’est mis très en colère.

Maintenant, je suis punie. Je n’ai plus le droit de voir Rita jusqu’à mon anniversaire, le 2 décembre prochain.

Je regrette vraiment mon mensonge, je savais que je n’aurais pas dû.

A bientôt,

Eléonore.

PS : Paul avait l’air plus à l’aise sur scène. J’espère que le mois va passer vite …

18 Octobre 1957

18 Oct

Cher journal,

Depuis la rentrée, John n’est plus à la Quarry Bank Grammar School.

Rita a remué ciel et terre pour savoir où est-ce qu’il avait décidé de poursuivre ses études supérieures.

Maxwell a bien évidemment été réquisitionné pour l’enquête et la réponse est venue d’un ancien camarade de classe de John qu’il connait un peu. Il est maintenant au Liverpool College of Art.

De son côté, je crois que Paul est toujours au Liverpool Institute, mais nous ne l’avons jamais recroisé.

Rita semble un peu contrariée de ne plus apercevoir John à la sortie des cours, alors, quand Max lui a proposé que l’on se joigne à lui et à ses amis pour fêter ses 17 ans, qu’ils comptaient célébrer l’événement au New Clubmoor Hall et que les Quarry Men s’y produiraient, elle a immédiatement couru à la maison pour m’annoncer la nouvelle.

Papa est en voyage aux Etats-Unis pour affaires et maman a exceptionnellement accepté que je sorte ce samedi soir.

Même s’il n’a pas vraiment bonne allure, elle a confiance en Maxwell.

A peine arrivée au Club, Rita a filé aux toilettes et en est ressortie vêtue d’une robe au dessus des genoux, très près du corps et imprimée panthère.

Je n’ai pas pu retenir une légère grimace lorsque je l’ai vu accoutrée comme ça et je crois qu’elle s’en est aperçue car elle a souri et elle m’a dit :

« Tu verras, bientôt on ne portera plus que ça ! »

Je me demandais où elle avait bien pu dégoter cette tenue que je trouvais un peu vulgaire, mais Rita avait l’habitude de se faire remarquer et je devais reconnaître que ça ne lui allait pas si mal.

Finalement, dans ma robe fleurie à grand jupon, je me trouvais trop guindée à côté d’elle.

Au moment de l’entrée en scène des Quarry Men, j’ai vite oublié ces détails futiles.

Paul était là.

Mon cœur s’est mis à battre très fort dans ma poitrine, comme la première fois où je l’avais vu.

Le sourire jusqu’aux oreilles, Rita m’avoua qu’elle était au courant mais qu’elle avait préféré me laisser la surprise.

J’étais si heureuse !

Pourtant, lorsqu’ils ont joué  Guitar Boogie Shuffle du groupe américain Frank Virtue and The Virtues, Paul a complètement raté son solo de guitare.

Il jouait moins bien que l’autre fois, après le concert de la fête paroissiale de St Peter, c’était comme si ses doigts étaient gourds, mais il était si mignon, que je crois que j’aurais pu tout lui pardonner.

J’espère que les Quarry Men seront aussi cléments que moi avec lui. Après tout, ce n’était que la première fois qu’il jouait avec eux en public et je pense qu’il devait simplement être stressé.

Quoiqu’il en soit, j’ai vraiment passé une bonne soirée et ce petit accident n’a fait que rendre Paul plus touchant à mes yeux.

A bientôt,

Eléonore.

PS : Il paraît que le groupe rejouera début Novembre. Papa sera rentré d’ici là.  J’espère que Rita aura comme toujours une bonne idée pour me permettre d’aller au concert …

07 Août 1957

7 Août

Cher journal,

Le temps fut beau à Brighton.

Nous sommes rentrés depuis bientôt 3 semaines et il ne s’est pas passé grand-chose à Liverpool jusqu’à ce que Rita débarque à l’improviste à la maison cet après-midi.

Il fallait qu’elle me parle, c’était urgent.

Nous sommes montées dans ma chambre et trépignant d’impatience, elle m’a annoncé que les Quarry Men joueraient le soir même  au Cavern, un club de Jazz sur Matthieu Street.

J’ai sauté de joie ! Mais, à peine retombée à terre, j’ai déchanté.

Papa ne me laisse pas sortir le soir.

Rita avait tout prévu.

Je suis allée dormir chez elle. Ses parents étaient invités chez des amis et c’est Maxwell qui était chargé de veiller sur nous.

Il a 17 ans et il a accepté de nous accompagner au Cavern.

C’est un chic type le frère de Rita. Il nous a offert un soda et les Quarry Men sont montés sur scène.

Paul n’était pas là et je me demande si il compte vraiment rejoindre le groupe.

Ils ont commencé avec des morceaux de skiffle, une sorte de jazz à tendance folk et très vite, John s’est mis à jouer du rock.

Quand ils se sont lancés dans « Blue Suede Shoes » d’Elvis, j’ai trouvé ça culotté de leur part, ça m’a amusé mais visiblement, Alan Sytner, le propriétaire du club n’a pas le même sens de l’humour que moi.

Il a fait passer un mot griffonné sur un bout de papier au Quarry Men pendant leur set.

Quand il est arrivé dans les mains de John, il l’a ouvert et a lu à tout le monde ce qui y était écrit :

« Arrêtez moi ce foutu rock ! »

Et ils ont enchaîné avec Long Tall Sally de Little Richard.

Alan n’a pas du beaucoup apprécié mais nous avons beaucoup ri.

A bientôt,

Eléonore.

PS : Rita a quand même raison, il a du charisme John.


20 Juillet 1957

20 Juil
 

Cher journal,

Cet après-midi, Rita est venue à la maison prendre le goûter.

En arrivant, elle était toute enjouée. Je savais qu’elle avait beaucoup de choses à me dire et j’étais impatiente d’entendre de quoi il s’agissait.

A peine passée le portillon du jardin et pendant que j’essayais de calmer Martha, le beagle de la famille qui ne peut s’empêcher de lui faire la fête, elle m’a prise dans ses bras pour me chuchoter la nouvelle à l’oreille.

Son grand-frère, Maxwell, a entendu dire que Pete, le joueur de planche à laver des Quarry Men, aurait proposé à Paul de rejoindre la bande.

Je n’ai pu m’empêcher de sourire. Il s’appelle donc bien Paul.

Elle m’a aussi appris qu’il est scolarisé au Liverpool Institute, ce qui explique pourquoi nous ne l’avions pas croisé avant.

J’avoue être un peu excitée par toutes ces informations et j’ai de plus en plus hâte que les Quarry Men remontent sur scène.

Demain, nous partons en vacances à Brighton.

Nous n’y restons qu’une semaine, j’espère que je ne raterai rien.

A bientôt,

Eléonore.

PS : Le frère de Rita a dit qu’il y aurait bientôt un nouveau concert …